Développement d’un réseau de services communautaires informels en santé mentale destinés à aider les victimes de violence infantile familiale sous la responsabilité d’un groupe d’aidants naturels en Haïti.

Projet financé par : 

En 2016, GROSAME a reçu une subvention du Ministère des relations internationales et de la francophonie du Québec pour former des intervenants communautaires ainsi que des professionnels à la théorie de l’attachement et aux visites à domicile en Haïti. Ce projet visait à renforcer les capacités des professionnels et des intervenants communautaires à intervenir auprès de futurs et nouveaux parents en situation de vulnérabilité. Un programme québécois a été adapté afin de répondre aux besoins spécifiques de la population haïtienne, laquelle est caractérisée par un taux élevé de grossesses adolescentes et non désirées, ainsi qu’un niveau d’éducation limité.

Considérant le manque flagrant de professionnels en santé mentale spécialisés dans le domaine de la périnatalité en Haïti, la formation de para professionnels (intervenants communautaires) s’avère indispensable. Dans cette visée, le programme a non seulement été implanté auprès de psychologues, de travailleurs sociaux, d’éducateurs, mais aussi auprès d’étudiants en ces domaines et d’intervenants communautaires (ACM) faisant partie de l’équipe de GROSAME. Afin de bonifier leurs acquis par rapport à la formation de base, ces derniers ont également été supervisés par un psychologue haïtien durant une période d’implantation de ce nouveau volet des visites à domicile, basé sur le renforcement de l’attachement parent-enfant.

Cette collaboration entre 2 expertises, celle (académique) des professionnels (en psychologie) et celle des intervenants communautaires, qui sont au plus proche des besoins et des réalités des milieux ciblés, s’avère fondamentale pour rejoindre et éduquer des populations en situation de grande vulnérabilité en Haïti. En ce sens, le projet éducatif actuel viendra consolider les récents efforts de GROSAME pour instaurer des partenariats avec les professionnels locaux.

De 2015 à 2017 et suite à l’initiative d’une des intervenantes de GROSAME, les nouvelles mères de la zone de Grand-Goâve ont eu accès à un nouveau service. Il s’agissait d’ateliers durant lesquels ces dernières apprenaient, tout en étant guidées et encouragées par l’intervenante investigatrice de ce volet du projet, des habiletés liées à l’art de la broderie.

Durant ces ateliers, les jeunes mères ont été invitées à réaliser, de façon méticuleuse, des ornements colorés sur des nappes initialement vierges. Lorsque terminées, les nappes ont été vendues et les profits rapportés répartis entre les participantes aux ateliers.

N’ayant pour la plupart pas terminé leurs études et ne détenant aucun emploi, ces jeunes mères étaient, auparavant, presque entièrement dépendantes de leurs parents, ou encore du père de leur enfant. Depuis leur participation aux ateliers de broderie, ces dernières ont acquis des connaissances dont elles peuvent user afin d’obtenir une certaine autonomie sur le plan financier.

Par ailleurs, plusieurs participantes ont démontré une généralisation de leurs acquis, utilisant leurs apprentissages au sein des ateliers, afin de broder des vêtements (notamment des uniformes scolaires) contre rémunération, pour des membres de la communauté.

En plus des avantages lucratifs qui y sont associés, notons que la participation aux ateliers de broderie a constitué, pour les nouvelles mères, une occasion de développer leur sentiment de compétence (celles-ci ont d’ailleurs mentionné retirer une grande fierté de leurs créations) ainsi que leur capacité à travailler en équipe.

De plus, les groupes de broderie représentaient un lieu sécuritaire et exempt de jugement ayant permis à ces dernières d’échanger sur différents sujets reliés à leur nouveau rôle de mère et de ventiler sur les difficultés qu’elles rencontraient au quotidien. À ce sujet, plusieurs mères ont mentionné avoir développé des liens d’amitiés avec les autres participantes ainsi qu’un lien d’attachement important à l’intervenante. Les groupes de broderie représentaient en quelque sorte pour elles, une deuxième famille ou pouvaient s’exprimer empowerment et solidarité.

Enfin, ces groupes ont constitué, pour l’intervenante, une occasion d’observer les comportements des mères avec leurs enfants qui les accompagnaient souvent, faisant ainsi le pont avec les autres volets du projet, visant à améliorer les compétences parentales et le lien d’attachement mère-enfant.

Le programme Nouvelles familles prévient les abus et la maltraitance dans les familles vulnérables avec de très jeunes enfants. Le programme consiste en des visites à domicile durant lesquelles diverses interventions sont réalisées. Les nouvelles mères sont à la fois évaluées (besoins physiques, mais aussi sociaux et affectifs) et outillées relativement à leur rôle maternel. Le projet vise à modifier les pratiques parentales néfastes, à améliorer l’environnement physique, affectif et social. Il cible la relation des parents avec les enfants, les habiletés sociales, les habitudes de vie et le soutien. Dans le cadre de cette stratégie de visites, les intervenants utilisent diverses approches dont les plus répandues sont les conseils et le soutien social.

Après plusieurs mois d’intervention, les intervenantes ont ajouté deux activités au programme. Une première activité consiste à participer à des groupes de compétences parentales spécifiquement destinés à ces jeunes mères.

Une deuxième activité est la participation à un groupe de broderie durant lequel les jeunes mères apprennent des habiletés de couture en réalisant des nappes. Celles-ci sont vendues et apportent un soutien financier. De plus, c’est une occasion d’observer les comportements des mères avec leurs enfants qui les accompagnent souvent, et d’échanger sur différents sujets reliés à leur nouvelle condition de mère

Projet financé par : Grands-Defis-Canada-Grand-Challenges

Haïti n’a pas de politique ni de système de santé mentale, et manque chroniquement de ressources professionnelles. La population doit compter sur ses propres moyens, son réseau familial et social, ainsi que sur les tradipraticiens pour résoudre les troubles mentaux dont sont affectés les citoyens. Lorsqu’il y a nécessité de consulter les services professionnels, la population n’a d’autre choix que de se rendre à Port-au-Prince où sont dispensés les rares services. Quant aux enfants, la situation des services est encore plus désastreuse. Ce manque d’accès à des soins et à des traitements de qualité se rencontre dans un très grand nombre de pays à faible et à moyen revenu. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé de changer la situation. Mais les conditions socio-économiques, politiques et sociales des pays constituent des obstacles aux changements presque insurmontables pour un bon nombre d’entre eux. Pour former les médecins nécessaires au fonctionnement d’un système de santé incluant la santé mentale (250 médecins sont annuellement formés en Haïti), le gouvernement haïtien a négocié en l’an 2000 un programme conjoint avec Cuba pour former 1 000 médecins. Même si la majorité des médecins a été formée depuis ce temps, les résultats escomptés n’ont pas été atteints. À cause de divers facteurs dont les modalités de pratique et les conditions salariales, les professionnels quittent en très grande majorité le pays. En santé mentale, il y a actuellement 41 médecins (27 psychiatres) et 314 professionnels paramédicaux, la plupart concentrés à Port-au-Prince.

Dans ce contexte caractérisé par la pénurie de ressources, et de professionnels, Grands Défis Canada a accepté de financer un projet original intitulé « Développement d’un réseau de services communautaires informels en santé mentale destinés à aider les victimes de violence infantile familiale sous la responsabilité d’un groupe d’aidants naturels en Haïti ». Le projet pose le défi d’élargir l’accès aux soins et d’offrir des soins de qualité dans les pays à faible revenu. Il propose une approche intégrée multifactorielle auprès des enfants victimes de violence ou de maltraitance, ou à risque de l’être. Les technologies sur lesquelles le projet repose permettent de faire face aux effets négatifs (troubles développementaux, affectifs et de comportement) de la violence envers les enfants. Les technologies sont des programmes qui répondent à des critères de promotion, de prévention et de réadaptation probants. Le troisième aspect innovateur du projet est la création d’un contexte de services communautaires dans lequel les programmes proposés dans le projet peuvent s’insérer. Enfin, les intervenants sont des aidants naturels engagés comme travailleurs communautaires ou Agents de Changement de Milieu (ACM).

Objectifs

  1. offrir des services de promotion, de prévention et de réadaptation efficaces et à coût abordable en milieu communautaire;
  2. mettre au point des services psychosociaux fondés sur des données probantes pour être administrés par des non-spécialistes et
  3. améliorer l’accès des enfants et des familles à ces services.

LES MODULES D’INTERVENTION

  1. Le module de littératie vise à augmenter la capacité des citoyens à trouver de l’information sur la santé mentale compréhensible et pertinente. Le module s’inspire de modèles réalisés ailleurs dont l’évaluation a décelé une meilleure capacité à reconnaître les symptômes (dépression) et une meilleure perception de l’efficacité des services professionnels. Le module fait la promotion de la santé mentale et de la non-violence par des émissions radiophoniques, et par des rencontres avec des associations.
  2. Les amis de Zippy est un programme développé à la fin des années 90 en Grande Bretagne avec pour objectif la promotion des mécanismes d’adaptation des enfants de première année du primaire. Son postulat est que l’acquisition d’un répertoire de stratégies de coping efficaces à un âge précoce rend les enfants moins susceptibles de développer des problèmes plus tard. Le programme est divisé en six modules : sentiments et stratégies pour les gérer, communiquer les sentiments, se faire des amis, résoudre les conflits, composer avec les sentiments, et utiliser une variété de stratégies d’adaptation. Ces modules sont abordés en 24 séances d’une heure dans le milieu scolaire sous la direction des enseignants.
  3. Le programme des Nouvelles familles vise à prévenir les abus et la maltraitance dans les familles vulnérables avec de très jeunes enfants. Le programme vise à modifier les pratiques parentales néfastes, à améliorer l’environnement physique, affectif et social. Le programme cible aussi la relation des parents avec les enfants, les habiletés sociales, les habitudes de vie et le soutien. Dans le cadre de cette stratégie sous forme de visites à domicile, les intervenants, bénévoles ou non, utilisent diverses approches dont les plus répandues sont les conseils et le soutien social.
  4. Le programme de renforcement des compétences parentales et infantile a été créé en 1997-98 au Québec spécifiquement pour la communauté haïtienne par deux éducateurs, Jean-Michel Piquant et Daniel François. Il vise à prévenir la violence et la dysharmonie familiale en améliorant les pratiques parentales adaptées à la culture haïtienne. Le programme comprend quatre rencontres de groupe incluant un contact téléphonique avant le début des rencontres pour désamorcer des situations difficiles. Il y a également une possibilité d’un suivi individualisé à la suite de la participation aux ateliers. Les enfants sont pris en charge lors des rencontres des parents en participant à des ateliers qui leur sont destinés. Lors de la première rencontre, les conséquences négatives, à court et à moyen terme, de la correction physique sur le développement de l’enfant, sur les plans physique et psychologique sont examinées. À la deuxième rencontre, il y a identification des méthodes alternatives aux corrections physiques dans l’exercice de l’autorité parentale. À la troisième rencontre, il y a retour sur l’application par les parents de méthodes disciplinaires autres que les corrections physiques. On clarifie l’essence même de la relation d’aide et de la résolution de conflits en insistant sur les attitudes à développer, et sur les qualités à cultiver pour remplir autrement ses rôles parentaux. À la quatrième rencontre, la dernière, on analyse et on conçoit du matériel d’intervention avec les parents en fonction de leurs propres difficultés à exercer leur autorité parentale sans violence, et de la nécessité de les résoudre comme chef de famille. On fait ensuite un face à face avec les enfants, et les groupes reçoivent leurs certificats-méritas. Ils en profitent pour témoigner de leur démarche et de l’utilité de la formation.
  5. Le module Kay Fanmi est un service de consultation et de référence ouvert à l’ensemble de la population de Grand-Goâve. Les consultations sont assurées par les Agents de Changement de Milieu (ACM) – les intervenants locaux – soutenus par des professionnels psychologues qui ont intégré l’organisme, formés et supervisés localement et à distance par des professionnels montréalais.